Changements climatiques : rien à faire?

Op-ed - Feb. 4, 2007 - By Matthew Bramley

Published in La Presse (Feb. 4, 2007)

Le rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), dévoilé vendredi à Paris, confirme une fois de plus la gravité des changements climatiques. Mais la réaction du gouvernement du Canada est loin d'être rassurante. Au contraire, elle semble imprégnée de cynisme politique.

Le GIEC, qui réunit les plus éminents climatologues du monde, constate que le réchauffement de la planète est «sans équivoque». Le GIEC est désormais certain à plus de 90 % que l'activité humaine en est la cause prédominante. Son rapport démontre que les conséquences seront énormes si nous ne mettons pas rapidement fin à l'accumulation des gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère.

Que faut-il faire? Jacques Chirac, à la hauteur de la situation, réclame une «révolution de l'action politique». Chez nous, en septembre dernier, la Commissaire fédérale à l'environnement réclamait «une augmentation très importante des efforts» gouvernementaux pour réduire des GES.

Stephen Harper, par contre, veut nous convaincre que tout cela est très difficile, et que les citoyens vont en souffrir. «Je ne crois pas que ce soit réaliste de dire aux Canadiens d'arrêter de conduire leurs voitures, d'arrêter d'aller au travail, de fermer le chauffage en hiver», dit-il. M. Harper affirme qu'il faut miser sur les nouvelles technologies, mais que ça prendra beaucoup de temps. Selon lui, on ne pourra réduire les émissions de GES au-dessous des taux actuels qu'«à long terme».

En réalité, les technologies permettant de réduire radicalement les GES sont déjà disponibles à coût raisonnable. Une étude récente de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie démontrait que le Canada pourrait réduire ses émissions de GES de 60 % en appliquant des technologies existantes, tout en poursuivant une croissance économique normale et même en continuant de produire beaucoup de pétrole.

Voitures plus efficaces, maisons construites et rénovées selon des standards beaucoup plus exigeants, production d'énergie éolienne, captage du carbone par les producteurs pétroliers... les solutions technologiques existent déjà. Mais ces solutions ne seront pas adoptées à une échelle suffisante sans des mesures gouvernementales suffisantes. Il nous faut des règlements exigeants et des investissements sans précédent.

En réaction au rapport du GIEC, le ministre de l'environnement, John Baird, promettait une réglementation des GES de source industrielle. Mais les objectifs seront établis en termes d'«intensité d'émissions» - permettant aux émissions de continuer de croître - et ils ne s'appliqueront qu'à partir de la fin 2010.

M. Baird prétend que cette réglementation dépend de son projet de loi sur la qualité de l'air. Mais le gouvernement pourrait réglementer les GES tout de suite avec la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. On doit supposer que le gouvernement cherche une occasion de faire porter la responsabilité de son inaction aux partis d'opposition au cas où son projet de loi échouera.

Quant au protocole de Kyoto, M. Harper le qualifie de «fantaisie», tandis que M. Baird s'y oppose parce qu'il ne veut pas «dépenser de cinq à 10 milliards de l'argent des contribuables sur des crédits russes qui ne représentent pas des réductions de GES». Cela est une pure calomnie. C'est vrai qu'il ne nous reste plus assez de temps pour respecter Kyoto en misant seulement sur la réduction d'émissions au pays. Mais nous pouvons investir dans des projets concrets qui réduisent les émissions dans les pays en développement.

Si Stephen Harper croît que l'atteinte de notre objectif de Kyoto est impossible, il devrait au moins essayer de s'en approcher le plus possible. Mais son gouvernement n'a même pas présenté de plan pour contrer les changements climatiques. Loin d'augmenter grandement les efforts pour la réduction des GES, M. Harper les a réduits - en comprimant les budgets et en retardant la réglementation.

John Ibbitson, chroniqueur politique au Globe and Mail, écrivait récemment que la stratégie des conservateurs est de «faire de l'environnement ce qu'on a fait des soins de santé : un enjeu dont les électeurs se préoccupent, tout en croyant que les politiciens ne peuvent rien faire».

La réaction du gouvernement Harper au rapport du GIEC semble lui donner raison.


Matthew Bramley
Matthew Bramley

Matthew Bramley was with the Pembina Institute from 2000 to 2011, serving as director of the climate change program and director of research.


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