L'inaction persiste

Op-ed - March 26, 2007 - By Matthew Bramley

Published in La Presse (March 26, 2007)

Au cours des derniers mois, nous avons assisté à une montée remarquable de l'importance accordée dans les médias aux changements climatiques. Les scientifiques sonnent de plus en plus l'alarme; plus de citoyens s'en préoccupent que jamais auparavant.

Mais l'action gouvernementale pour réduire les gaz à effet de serre (GES) ne suit pas.

Notre gouvernement fédéral, notamment, n'est pas encore revenu en 2007 au niveau modeste d'efforts atteint par son prédécesseur en 2005. Le montant des investissements annoncés est similaire mais le programme réglementaire n'a toujours pas été précisé. La commissaire fédérale à l'Environnement avait pourtant prescrit «une augmentation très importante des efforts» de réduction de GES.

Pourquoi, alors qu'il existe une panoplie de technologies relativement peu coûteuses permettant de réduire de beaucoup les émissions, les gouvernements hésitent-ils à appliquer des mesures ambitieuses? Je crois que la problématique des changements climatiques possède trois caractéristiques qui nous aident à répondre à cette question.

En premier lieu, il y a le fait que nos gestes et leurs conséquences sont très décalés dans le temps et dans l'espace. Trois milliards de personnes supplémentaires vont manquer d'eau dans les années 2080 si la hausse de la température mondiale moyenne dépasse les 2 degrés Celsius. Mais un réchauffement de cet ordre deviendra inévitable si nous n'empruntons pas dès aujourd'hui un chemin menant à une baisse radicale des émissions de GES.

En d'autres termes, même si les bénéfices de la réduction des émissions ont plus de valeur monétaire que les coûts de cette réduction - c'est ce qu'a démontré récemment Sir Nicholas Stern, l'économiste en chef du gouvernement britannique - les coûts sont immédiats, alors que les bénéfices sont lointains.

Pour ce qui est des conséquences éloignées dans l'espace, l'Organisation mondiale de la Santé a calculé que les changements climatiques ont déjà tué environ 150000 personnes en l'an 2000 seulement. Mais ces gens vivent loin de nous dans des pays en développement. C'est facile pour nous de ne pas y penser.

Deuxième caractéristique des changements climatiques: c'est un enjeu qui dépend avant tout des connaissances scientifiques. C'est grâce aux physiciens qui étudient le climat et aux géographes qui étudient les impacts que nous pouvons mesurer l'ampleur de la menace. Mais peu de politiciens, de journalistes ou de citoyens comprennent le processus scientifique. Résultat: c'est facile pour des imposteurs qui n'ont pas les compétences scientifiques nécessaires de semer des doutes quant aux conclusions de ceux qui ont ces compétences.

Finalement il y a ce qu'on appelle la «tragédie des biens communs». L'atmosphère est actuellement utilisée comme dépotoir public sans fond. Collectivement, nous pouvons reconnaître que cela nous amènera à la catastrophe, mais chacun hésite à se restreindre par crainte que cela donne un avantage aux autres. Pourquoi délaisser mon gros véhicule polluant si mon voisin continuera à utiliser le sien?

Cette situation explique toute l'importance de négocier et de respecter des accords mondiaux de réduction des GES comme le Protocole de Kyoto. Mais la «tragédie des biens communs» semblerait moins importante si nous comprenions mieux que poser le premier geste n'est pas nécessairement coûteux. L'efficacité énergétique, par exemple, permet de réduire considérablement les GES tout en économisant de l'argent.

Tout cela m'amène à proposer la création, par une loi, d'une commission indépendante, prestigieuse et permanente. Le premier élément de son mandat serait d'évaluer l'efficacité des politiques du gouvernement du Canada en matière de réduction des GES. Le deuxième élément serait de résumer les connaissances scientifiques concernant les changements climatiques et ses impacts sur le Canada. Le troisième élément du mandat serait de commander des études approfondies sur les aspects économiques des changements climatiques au Canada, en portant une attention égale aux coûts des impacts et aux coûts associés à la réduction des émissions. La commission rendrait public ses conclusions sur une base régulière.

Selon le chroniqueur politique Jeffrey Simpson, le gouvernement Harper, à la recherche d'une majorité, ne s'intéresse pas aux «élites urbaines», à ceux qui écoutent Radio-Canada, à la plupart des éditorialistes, ou à ceux qui portent attention à la politique étrangère. Son public cible - environ 40 pour cent des électeurs - ne pense probablement pas très souvent aux changements climatiques. Il est impératif d'inventer de nouvelles institutions qui rendront cette façon de fonctionner moins payante pour les gouvernements.


Matthew Bramley
Matthew Bramley

Matthew Bramley was with the Pembina Institute from 2000 to 2011, serving as director of the climate change program and director of research.


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